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Il est une histoire inédite qu'il faut que je vous
compte et où vous apprendrez comment une certaine
Rosalie intervint par accident dans le cours d'un
événement qui serait demeuré banal s'il
ne s'était agi du fameux "Ave Maria". GOUNOD fiancé à Anna ZIMMERMAN, fille de
l'inspecteur général des études au
Conservatoire impérial de Paris allait souvent
dîner chez sa fiancée.
Régulièrement il attendait dans le salon
familial en improvisant au piano. Un jour son futur
beau-père, pianiste réputé entend le
jeune Charles improviser sur le premier prélude de
J-S BACH en ut majeur, une mélodie qu'il jugea
ravissante. GOUNOD l'ayant répété une
seconde fois, ZIMMERMAN s'empressa de la noter, puis
quelques jours plus tard, il la fit entendre à
GOUNOD, jouée par un violon, une quinte au dessus.
C'est ainsi que naquit la "Méditation sur un
prélude de BACH" qui par la suite, on verra comment,
devint le fameux Ave Maria, que GOUNOD n'écrivit donc
pas et qui a tant fait pour sa popularité ! Ajoutons
que ZIMMERMAN, qui avait conclu l'affaire avec un
éditeur, remit à GOUNOD une somme de deux
cents francs pour l'achat de l'oeuvre... Mais l'histoire n'est pas finie ! Nous sommes en 1852, GOUNOD, 34 ans, séduit par la tendre mélancolie de quelques vers de LAMARTINE et porté peut-être à en offrir la primeur à une certaine... Rosalie son élève, eut l'idée d'adapter à la fameuse mélodie les vers en question:
Les prémices de cette adaptation où la
musique exprimait si bien les paroles, furent
apportées à Rosalie à qui elles
étaient dédiée. Cependant, la
belle-mère de Rosalie, Aurélie dont la
piété s'effarouchait de la tendresse
croissante de GOUNOD, pouvait craindre qu'un sentiment si
contagieux n'atteignit sa fille dont GOUNOD ne se lassait
pas d'entendre la voix divine. Fort embarrassée et
n'osant faire allusion à ses craintes ni
auprès de GOUNOD ni auprès de sa belle-fille,
Aurélie eut l'idée ingénieuse de se
servir de la religiosité accentuée de GOUNOD
pour lui faire substituer à ces paroles profanes un
texte moins compromettant. Elle porta son choix sur l'Ave
Maria et essaya d'écrire les paroles latines au
dessous des vers du poète. J'ai vu ce document, cela
ne se fit pas sans peine mais le résultat fut assez
satisfaisant. Aurélie montra donc son adaptation
à GOUNOD qui s'en enthousiasma d'autant mieux que sa
finesse d'esprit ne lui permit pas de se méprendre
sur les intentions secrètes qui avaient poussé
Aurélie à cette substitution. Il retoucha la
version nouvelle et c'est de la sorte que les strophes
exquises de LAMARTINE si harmonieusement adaptées au
Prélude de BACH firent place à la
prière de l'Ave Maria, fort étonnée
sans doute de se trouvée accouplée à
cette mélodie sentimentale ! Ainsi, sur une esquisse mélodique sans importance
de GOUNOD, accompagnée par un prélude de J-S
BACH, Joseph ZIMMERMAN fixera la mélodie sur du
papier, mélodie à laquelle une obscure Mme.
JOUSSET ajoutera les paroles de l'Ave Maria ! Et, oh
ingratitude, GOUNOD dédia cette mélodie, dans
sa forme définitive ni à Joseph, ni à
Rosalie, ni à Aurélie, mais à la grande
cantatrice Mme. MIOLAN-CARVALHO ! TOURGUENIEV, dans un de ses ouvrages
écrira:"L'homme est faible, la femme est tenace, le
hasard est tout puissant". Décidément, les sirènes à la
voix ensorceleuse font parfois, même involontairement
des miracles. Peu importe en somme l'anecdote car finalement c'est bien à lui GOUNOD qu'on doit la mélodie, et cette histoire illustre bien le fait que GOUNOD savait exprimer d'une même plume l'amour profane et l'amour sacré.
Jean-Pierre GOUNOD | ||
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